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Pierre Desproges

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Pierre Desproges
Pierre Desproges sur scène en 1985.
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Pierre Marcel DesprogesVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
Période d'activité
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A travaillé pour
Conflit
Taille
1,7 mVoir et modifier les données sur Wikidata
Œuvres principales

Pierre Desproges, né le à Pantin et mort le à Neuilly-sur-Seine, est un humoriste français réputé pour son humour noir, son anticonformisme et son sens de l'absurde.

Célèbre pour son humour grinçant, mis en valeur par une remarquable aisance littéraire, Pierre Desproges s'est illustré avec des thèmes souvent évités par les autres humoristes de son époque, prenant à contre-pied certaines positions convenues dans la société. Il est notamment considéré comme l'auteur de la maxime suivante : « On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde ».

Journaliste à L'Aurore, il débute à la télévision sur TF1 dans l’émission de Jacques Martin, Le Petit Rapporteur. À la radio, il est notamment le procureur fantasque du Tribunal des flagrants délires sur France Inter. Auteur de spectacles, il a aussi présenté l'émission humoristique La Minute nécessaire de monsieur Cyclopède sur FR3.

Pierre Desproges (deuxième sur la gauche) à Châlus, le 26 septembre 1958.

Né le à Pantin[1], c'est à Paris que Pierre Desproges grandit et passe l'essentiel de sa jeunesse. Il est l'aîné d'une petite fratrie (une sœur et un petit frère) élevée essentiellement par leur mère, issue de la « petite bourgeoisie » parisienne. Son père, instituteur, a fait le choix d'une carrière aux colonies, où il est directeur d'école. C'est ce qui vaut à Pierre, adolescent, d'accompagner son père un an à Luang Prabang au Laos, en 1953[2], et trois ans en Côte d'Ivoire, dont un an d'internat à Abidjan. Les vacances se passent immanquablement en Limousin, à Châlus (Haute-Vienne), chez ses grands-parents paternels. C'est le cadre de cette petite ville limousine qui inspirera son seul roman, Des femmes qui tombent[3].

Élève se revendiquant dilettante[4], il rate son baccalauréat, ce qui n'entrave pas son avidité de culture et son goût de la polémique, hérités de sa mère[5]. En 1958-1959, il entreprend des études de kinésithérapie, sans conviction, qu'il abandonne assez vite[4].

En 1959, il accomplit son service militaire durant vingt-huit mois, d'abord à Épinal (en tant qu'élève officier de réserve dans les transmissions), puis à Baden-Baden et à Montélimar[6]. Envoyé finalement en Algérie, il conserve de cette période un souvenir exécrable[7]. De retour à la vie civile et ne sachant trop que faire pour gagner sa vie, il écrit des romans-photos réalisés avec des amis et qui sont publiés, vend des assurances-vie (qu'il rebaptise « assurances-mort ») puis des poutres en polystyrène expansé[8].

L'Aurore et débuts à la télévision

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Pierre Desproges en 1976. Photo d'identité (Sacem).

Pierre Desproges devient ensuite journaliste à L'Aurore, où il entre grâce à son amie d'enfance, la journaliste Annette Kahn, dont le frère, Paul-Émile, était son condisciple au lycée Carnot à Paris. Le chef de service des informations générales, Jacques Perrier, qui n'aime pas son humour et ne le supporte pas, le fait renvoyer.

Il travaille alors à Paris-Turf, journal hippique appartenant au même groupe de presse. Lorsque Perrier est à son tour licencié, en , Bernard Morrot, nommé pour le remplacer, fait revenir Desproges à L'Aurore et lui confie une rubrique de brèves insolites à l'humour acide, que Pierre Desproges appelle la « rubrique des chats écrasés ». Jugé un peu trop caustique, il évite son licenciement grâce à Françoise Sagan (dont il fera plus tard une interview décalée pour Le Petit Rapporteur[9]) qui écrit une lettre au journal en affirmant qu'elle n'achète L'Aurore que pour la rubrique de Desproges[10]. En , il publie un article traitant de l'arrestation de Jacques Mesrine dans lequel il le qualifie de « fanfaron suicidaire » et lui attribue de nombreux meurtres et hold-up. Mesrine lui répondra par courrier en contestant ses affirmations et en le menaçant, ce qui inquiètera longtemps Desproges[11].

Remarqué par ses confrères de la télévision, il devient, en , chroniqueur dans l'émission de Jacques Martin, Le Petit Rapporteur sur TF1[12]. Sa prestation dans cette émission dominicale, auprès de son complice Daniel Prévost, demeure gravée dans l'esprit des amateurs d'humour noir et de cynisme. Il finit toutefois par claquer la porte, car ses interventions sont de plus en plus souvent coupées au montage[4] (Jacques Martin aurait pris ombrage de la popularité de Desproges)[13], et retourne à L'Aurore, où il se sent mieux[13].

Activité à la radio

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Pierre Desproges (à gauche) en procureur humoristique du Tribunal des flagrants délires sur France Inter en 1980.

Pierre Desproges participe ensuite à plusieurs émissions de radio sur France Inter :

  • en 1986, il anime une chronique radiophonique quotidienne d'environ trois minutes, intitulée Chroniques de la haine ordinaire, où il traite principalement de sujets à travers des coups de gueule et des coups de cœur.

Retour à la télévision

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Le [16], Pierre Desproges participe aux côtés de l'humoriste Thierry Le Luron à un sketch diffusé sur TF1 (durant l'émission Interneige[16]), l'« Entretien au coin du feu », où Le Luron endosse le rôle du président de la République Valéry Giscard d'Estaing[12] et Desproges celui d'un interviewer hésitant et saugrenu, à l'occasion d'une fausse interview « décidée à la dernière minute » un jour avant les élections municipales[16]. Ils réitéreront ce sketch plusieurs fois, notamment le pour les vœux de la nouvelle année dans l'émission Les Rendez-vous du dimanche de Michel Drucker également sur TF1[17].

En 1980 et 1981, il participe à l’émission L'Île aux enfants où il interprète le professeur Corbiniou dans une vingtaine de petits sketches destinés aux enfants, afin de « les abêtir davantage ». Cette séquence est en quelque sorte l'ancêtre de La Minute nécessaire de monsieur Cyclopède. Durant la même période, il collabore au magazine Charlie Hebdo avec une petite chronique intitulée « Les étrangers sont nuls ».

En 1982, il collabore quelques mois au scénario de l'émission Merci Bernard sur FR3. C'est Desproges lui-même qui trouve le titre énigmatique de l'émission, en hommage à Bernard Morrot, l'homme qui lui offrit une seconde chance à L'Aurore[18].

Entre 1982 et 1984, il assure également sur FR3 (pendant cent émissions) une brève chronique d'humour absurde intitulée La Minute nécessaire de monsieur Cyclopède. Parodiant la forme des leçons de choses ou de savoir-vivre, Desproges y immortalise son célèbre « Étonnant, non ? » qui conclut chaque épisode. Il se joue des sujets, qu'ils soient sacrés (« Rentabilisons la colère de Dieu » ou bien « Essayons vainement de faire apparaître la Sainte Vierge ») voire tabous (« Essayons en vain de cacher notre antisémitisme » ou bien « Asseyons un aveugle dans un fauteuil pour sourd »). Desproges dit alors de cette émission : « Notre objectif est de diviser la France en deux : les imbéciles qui n’aiment pas et les imbéciles qui aiment »[19].

Au début de l'année 1988, le , il présente en direct l'arrivée des invités de l'émission Champs-Élysées en lieu et place de Michel Drucker, sur un ton caustique et irrévérencieux (qualifiant par exemple Serge Gainsbourg de « seul génie qui ressemble à une poubelle »)[20].

Quelques semaines avant sa mort, il tourne une publicité parodique avec le groupe d'humoristes Les Nuls. Le tournage est difficile, comme le révèle Alain Chabat dans le livre Desproges est vivant. Sur le plateau de l'émission L'Assiette anglaise du , Desproges déclare s'être fêlé une côte durant l'enregistrement du sketch, ce qui expliquerait sa fatigue du moment. Cette remarque est sujette à caution, Hélène Desproges ayant révélé des années plus tard que son mari était maintenu dans l'ignorance du cancer qui le rongeait. Cette fatigue était plus vraisemblablement due à la progression du cancer qu'à une hypothétique côte fêlée.

En 1975 et les années suivantes, Pierre Desproges est à l'Olympia sur scène avec Thierry Le Luron. En 1977-1978, il interprète des sketches avec Évelyne Grandjean, notamment Le Banc[4]. En 1978-1979, il débute en tête d'affiche sur scène dans un petit théâtre du quartier Mouffetard, le Théâtre des 400 coups. Il joue devant un maigre public une pièce de théâtre drolatique : Qu'elle était verte ma salade… Il accompagne aussi Thierry Le Luron à Bobino.

Il introduit à plusieurs reprises les tours de chant de Dalida[4]. Dans les coulisses, les rapports sont houleux avec Orlando, le frère de la chanteuse, qui ne comprend pas toujours le second degré de l'humoriste[21].

Aidé par Guy Bedos, il remonte sur scène en 1984, cette fois pour présenter son premier spectacle solo intitulé Tout seul en scène ou Un cri de haine désespéré où perce néanmoins une certaine tendresse[22]. FR3 diffusera le le spectacle enregistré en 1984 à Quetigny (Côte-d'Or), en y ajoutant les réactions de quelques spectateurs privilégiés – une concierge d'immeuble, des enfants, Guy Bedos – incrustées dans la captation du spectacle[23]. FR3 le rediffusera le [24]. Ce spectacle sera repris en 1984 au théâtre Fontaine. Devant le succès rencontré[25], il part en tournée l'année suivante où en 1986[26], il crée le spectacle Pierre Desproges se donne en spectacle au théâtre Grévin[26]. Là encore, le succès étant au rendez-vous, il part en tournée à travers la France, tournée arrêtée à la suite de sa mort en [27],[28],[29].

Mort et inhumation

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Tombe de Pierre Desproges au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Ses cendres ont été directement mélangées à la terre, sans croix ni dalle, selon sa volonté.

En 1987, on diagnostique à Pierre Desproges un cancer du poumon[30]. Les médecins qui l'opèrent ne peuvent que constater les dégâts : ses deux poumons sont atteints, l'humoriste est condamné. En accord avec Hélène Desproges, son épouse, ils décident de lui cacher la vérité et prétendent avoir retiré une tumeur sans conséquence[30].

Lentement, son état de santé se dégrade. L'humoriste ressent une fatigue chronique mais continue d'honorer ses engagements professionnels. Pour lui permettre de tenir le rythme de la tournée de son spectacle, des cocktails de remontants lui sont administrés. Le , il est l'invité de Bernard Rapp dans l'émission L'Assiette Anglaise dans laquelle l'animateur le présente comme « malade », l'intéressé prétextant une « côte cassée pendant le tournage d'une fausse publicité avec Les Nuls »[31].

Contrairement à la rumeur selon laquelle il serait resté dans l'ignorance de son cancer jusqu'à la fin, il est impossible qu'il l'eût ignoré d'après les nombreux médicaments qu'on lui administrait pour stabiliser son état, le cancer étant en outre un de ses thèmes de prédilection. En , il accepte d'interrompre sa tournée pour reprendre des forces à l'hôpital. Il y meurt le , peu avant l'élection présidentielle[32],[33],[34].

Le , sur les ondes de RTL, son ami Guy Bedos révèle au micro de Marie Drucker qu'on a « aidé Pierre Desproges à mourir », à l'hôpital. Cette évocation d'une euthanasie de l'humoriste est également présente dans l'autobiographie de Bedos, Je me souviendrai de tout[35].

Ses obsèques se déroulent au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Ses cendres sont inhumées après sa crémation dans une tombe provisoire, puis dans la division 10. Sa sépulture est un jardinet entouré d'une grille avec une simple plaque, où ses cendres ont été mélangées à la terre (sur dérogation de la Ville de Paris)[36].

Vie privée et familiale

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Pierre Desproges se marie une première fois en 1961 avec son amie Marianne (dite « Mab »), par amour mais également pour des raisons pratiques. En effet, l'union permet aux jeunes époux de bénéficier d'un logement dédié en Algérie, pendant le service militaire de Pierre. Ils se séparent rapidement après leur retour en France[37].

En , il épouse Hélène Mourain, malgré les réticences de la famille de la mariée en raison du statut de divorcé de Pierre. Hélène tient un rôle important dans la carrière de son mari : elle relit ses textes, négocie ses contrats et permet la publication de ses œuvres après sa mort[38].

Ils ont deux filles : Marie (1975) et Perrine (1977).

Hélène Mourain-Desproges meurt en 2012 ; elle est inhumée au cimetière du Père-Lachaise[39].

Personnalité, style et idées

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Un humour littéraire et grinçant

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L’humour pratiqué par Pierre Desproges a été défini comme un « mélange savoureux et cocasse du ludique et du polémique, entre langue littéraire et vulgarité maîtrisée ». Son humour « s'inscrit dans une tradition française à la fois littéraire et populaire » : veine burlesque de Rabelais, ironie humaniste à la Voltaire, aphorismes paradoxaux, fausses citations et humour noir d'Alphonse Allais, jeu avec les proverbes et les expressions figées, allant de Pierre Daninos à Pierre Dac ou Jules Renard, transgression des tabous à la Pierre Doris, sens de la phrase périodique et de la ponctuation de Vialatte[40].

Il n'hésite pas à s'attaquer aux sujets les plus sensibles avec une verve féroce, ce qui, selon le journaliste Kevin Dero, lui aurait valu trente ans plus tard « des procès en diffamation, des tollés médiatiques et des tweets rageurs »[41]. Ainsi, le [42], alors que le cardinal Lustiger se plaint dans un reportage diffusé au journal de midi d'Antenne 2 des attaques des humoristes contre Dieu et les catholiques, Desproges lui apporte une réponse cinglante dans une lettre ouverte qu'il lit face caméra, où il critique les émissions religieuses dominicales sur cette même chaîne (notamment La messe du dimanche) et où, selon l'humoriste, les « minorités athées non priantes, non bigotantes et mal bêtifiantes sont méprisées et bafouées, je pèse mes mots, au profit de grotesques manifestations incantatoires d'une secte en robe »[43], et promet qu'il va envoyer « par ce même courrier une copie de cette lettre à Dieu et que ça va chier »[43],[42]. Ses traits d'humour grinçants s'adressent aussi bien à d'Ormesson (« parasite de la société qui trémousse sans vergogne son arrogance de nanti »)[44], à Duras (« Marguerite Duras n'a pas écrit que des conneries. Elle en a aussi filmé »), à Yves Montand (« Stalinien pour pas un rond pendant vingt-cinq ans ») qu'aux politiques, de Le Pen (« Il y a plus d'humanité dans l'œil d'un chien quand il remue la queue, que dans la queue de Le Pen quand il remue son œil ») à Cohn-Bendit (« Qui êtes-vous, pauvre Cohn ? »)[45].

Il est aussi réputé pour son humour noir. Le cancer lui inspire des phrases-cultes : « plus cancéreux que moi, tumeur » ou « Noël au scanner, Pâques au cimetière »[46].

Il est également connu pour son sens de la repartie : en 1984, alors qu'il est en train de parler sur le plateau de l'émission Droit de réponse, il est interrompu par un autre invité, l'écrivain Jack Thieuloy, qui réclame la parole en se disant « interdit de télévision » : Desproges lui répond alors « Vous m’emmerdez, monsieur Thieuloy. C’est pas parce que la terre entière vous déteste qu’on n’a pas le droit de m’aimer cinq minutes »[47].

Dans une interview de 1986, il indique : « [...] j'aime bien le langage, le verbe. Quand on peut le manier, c'est un outil formidable : sans se salir les mains, on peut tuer quelqu'un, l'humilier avec un mot qui vient bien. Par exemple, une des grandes joies de ma vie, c'est d'humilier mes semblables »[4]. Dans la même interview, il confie : « Môme, j'écoutais Francis Blanche, Pierre Dac : j'étais passionné par ça, je séchais des cours, je repoussais des rendez-vous pour ne pas rater leurs émissions. Après, il y a eu Martin, Yanne… »[4]. Il avoue aussi une admiration pour Georges Brassens[48].

Contrairement à ce que prétend la légende, ce n'est pas lui qui a rédigé la dépêche annonçant sa mort (« Pierre Desproges est mort d'un cancer. Étonnant, non ? », en référence à la phrase de conclusion rituelle sur FR3 de La Minute nécessaire de monsieur Cyclopède), mais Jean-Louis Fournier, réalisateur de la Minute nécessaire et proche de Desproges. Au départ, cette dépêche devait être : « Pierre Desproges est mort d'un cancer sans l'assistance du professeur Schwartzenberg », proposée par Hélène Desproges. Mais elle a finalement renoncé à inclure cette précision afin d'éviter d'éventuelles poursuites.

« On peut rire de tout, mais pas forcément avec tout le monde »

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On attribue souvent à Pierre Desproges la paternité de la célèbre maxime « On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde », parfois formulée « On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui »[49],[50],[51]. Il semble cependant que Desproges n'ait jamais écrit ou prononcé telle quelle l'une de ces deux phrases[51]. Il a cependant prononcé une phrase qui s'en rapproche : « Je pense effectivement qu'on peut rire de tout, mais pas forcément avec tout le monde »[52]).

La maxime provient du réquisitoire du « procureur de la République Desproges française » contre Jean-Marie Le Pen dans l'émission du du Tribunal des flagrants délires sur France Inter[53]. Dans la première partie de son réquisitoire, Desproges déclare : « Les questions qui me hantent sont celles-ci. Premièrement, peut-on rire de tout ? Deuxièmement, peut-on rire avec tout le monde ? ». À la première question, il répond « oui, sans hésiter » et dit que non seulement on « peut » rire de tout mais que l'on « doit » rire de tout pour « désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles ». À la seconde question, il répond simplement « c'est dur », dans le sens où lui, Pierre Desproges, n'a pas envie de rire avec tout le monde et en l’occurrence ce jour-là avec Jean-Marie Le Pen (il dit par la suite qu'il est au-dessus de ses forces de rire avec « un stalinien pratiquant », un « terroriste hystérique » ou un « militant d'extrême droite »)[54].

Dans un entretien à Télérama daté du , paru deux mois après la diffusion de cette émission, il explique : « Je crois qu’on a le droit de rire de tout. Mais rire avec tout le monde, ça, peut-être pas. […] Le rire est un exutoire et je ne comprends pas qu’on dise qu’il ne faut pas rire de ce qui fait mal. Ça fait moins mal quand on en a ri. À la fin de l’été, quelqu’un que j’aimais énormément est mort d’un cancer. Mais le cancer, comme Yves Montand, c’est des choses dont il faut rire. Moi quand je parle de cancer, je parle de mes proches, pas des proches d’autrui[51]. »

Desproges reformule cette idée en dans son ouvrage Vivons heureux en attendant la mort en écrivant « Il vaut mieux rire d’Auschwitz avec un Juif que de jouer au Scrabble avec Klaus Barbie »[51]. Dans le cadre de la promotion de ce livre, il est invité dans l'émission Apostrophes du . Il y dit « on peut rire absolument de tout mais pas avec tout le monde » en précisant qu'en préparant l'émission avec Jean-Marie Le Pen, « [il] n'avai[t] pas envie de rire avec lui »[49].

Thèmes récurrents

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Certains thèmes reviennent de manière fréquente dans ses sketches : le plaisir sous toutes ses formes (les femmes, la bonne chère, le vin, etc.), mais aussi le cancer, la mort, ou encore le nazisme, l'antisémitisme[55] et les autres formes de racisme ou de fascisme[56] sont parmi les sujets qu'il aborde régulièrement. Certains éléments narratifs reviennent également, à la manière de gimmicks, dont voici quelques exemples.

  • Son individualisme viscéral[4], qui lui fait fuir instinctivement les manifestations, les pétitions, qui ne sont pour lui que des lieux ou des occasions où s'exprime la bêtise[7],[57].
  • Il prend souvent Dieu à témoin : « Dieu me tripote », « Dieu me turlute », « Einstein, Dieu ait son âme… et moi-même, Dieu lâche la mienne… », le remerciant parfois (« Merci mon Dieu ») ou le réprimandant (« Dieu a dit : tu aimeras ton prochain comme toi-même. D’abord, Dieu ou pas, j’ai horreur qu’on me tutoie… »[58]).
  • Il évoque fréquemment Adolf Hitler, s'étonnant ironiquement du sentiment général d'antipathie qu'il inspire, parlant alors du « chancelier Hitler », se demandant si ce qui déplaît le plus aux gens chez lui, « c'est le peintre ou l'écrivain »[59].
  • De même pour Himmler, à qui il attribue des citations équivoques : « Comme disait à peu près Himmler : “Qu'on puisse être à la fois juif et allemand, ça me dépasse.” C'est vrai, [il] faut savoir choisir son camp. »[60],[61], ou, cheminant entre Auschwitz et les Pays-Bas, « On ne peut pas être à la fois au four et au moulin »[60].
  • Il fait référence à la Collaboration comme « l'amitié franco-allemande », disant que c'était « un moyen d'apprendre une jolie langue étrangère à peu de frais ». Toujours dans cette veine, il s'étonne de la disparition du nazisme, « tombé en désuétude après 1945 »[60],[62]. Il affirme également : « Il est plus économique de lire Minute que Sartre. Pour le prix d'un journal, vous avez à la fois La Nausée et Les Mains sales »[63].
  • Concernant les Juifs, il assène : « Dans la Collaboration, pour bien gagner sa vie, il faut dénoncer des Juifs. Ce n'est pas très marrant de dénoncer. Oui mais, dans la Résistance, on ne dénonce pas les Juifs, mais il faut vivre avec ! »[64] ; il ajoute, « On ne m’ôtera pas de l’idée que, pendant la dernière Guerre mondiale, de nombreux Juifs ont eu une attitude carrément hostile à l’égard du régime nazi »[65], ou encore « Mieux vaut entendre ça que d'être juif[64] ».
  • Il s'en prend aux jeunes, et plus particulièrement « à leurs problèmes de jeunes, quoi » ; ou encore : « L’humanité est un cafard. La jeunesse est son ver blanc »[60], tout en conseillant aux vieux « de mourir sans les déranger ».
  • Les auditeurs et lecteurs sont malmenés, « sous-doués végétatifs gorgés d'inculture crasse et de Coca-Cola tiède »[66], « drogués de télévision », « bande de légumineuses surgelées du cortex », ou encore de « grotesques protozoaires constipés par la trouille », mais les rassure en leur affirmant que l'« on peut très bien vivre sans la moindre espèce de culture »[67].
  • L'armée en prend également pour son grade, par exemple lors du réquisitoire contre Jacques Séguéla, où il profite de son temps de parole pour asséner : « En 1939 déjà, tout le monde, en France, savait que le général Gamelin était un con, sauf les militaires. C'est ça, un secret militaire » ; et aussi : « Il ne faut pas désespérer des imbéciles. Avec un peu d'entraînement, on peut arriver à en faire des militaires »[68].
  • Le monde politique est également la cible de ses sarcasmes : « À part la droite, il n'y a rien au monde que je méprise autant que la gauche »[69].
  • L'Académie française, « gérontodrome » où les quarante « papy-la-tremblotte » se réunissent pour que chacun se « déguise périodiquement en guignol vert avec un chapeau à plumes à la con et une épée de panoplie de Zorro », le tout afin de savoir « s'il y a un « n » ou deux à zigounette »[70] ; et aussi : « Quand quarante personnes s'habillent comme un con, c'est l'Académie française. Quand mille personnes s'habillent comme un con, c'est l'armée française »[71].
  • Les chanteurs comme Julio Iglesias, Tino Rossi, ce dernier qualifié de « roucouleur radiophonique » (notamment : « Le jour de la mort de Brassens, j'ai pleuré comme un môme. Alors que — c'est curieux — mais, le jour de la mort de Tino Rossi, j'ai repris deux fois des moules »[72]), Francis Lalanne et le groupe Indochine[73] font partie de ses souffre-douleur en matière de musique, de même que le rock en général[73] et le yéyé (« Je n'ai rien contre les yéyés, les attardés mentaux aussi ont droit à leur musique »).
  • Les écrivains, notamment Marguerite Duras : « Marguerite Duras, qui n'a pas écrit que des conneries. Elle en a aussi filmé »[74], ou les philosophes comme BHL : « Au printemps, [...] le chat-huant hue, le paon puant pue, le matou mutant mue, Bernard-Henri Lévy refait sa mise en plis »[75].
  • Les œuvres caritatives comme les Restos du cœur[76],[77], le Live Aid, dont il fustige le caractère exhibitionniste, opportuniste et hypocrite.
  • Yves Montand, dont il raille plusieurs fois dans ses spectacles les prises de position politiques : « Au reste, à regarder de plus près, quelle différence y a-t-il vraiment entre Pétain et Yves Montand ? À la réflexion, il y en a une : Pétain, lui, au moins, y ferme sa gueule. Y donne pas son avis sur la Pologne quand on lui demande de chanter Les Feuilles mortes »[61].
  • Viennent également, en vrac : le Boléro de Ravel, dont il feint de méconnaître l'auteur (« Mozart était tellement précoce, qu'à huit ans et demi, il avait déjà composé le Boléro de Ravel ! ») ; la paroisse Saint-Honoré-d'Eylau, représentative du catholicisme bourgeois ; la « Tata Rodriguez » de Luis Rego et ses improbables préparations à base de morue qu'elle lui envoie « par paquet fado » ; la Troisième Guerre mondiale imminente contre les Russes ; son amour des femmes (« Plus je connais les hommes, plus j'aime mon chien ; plus je connais les femmes, moins j'aime ma chienne »[78]) qui n'a d'égal que son amour des bons vins de bordeaux[79] ou de saint-émilion (notamment le Château-Figeac 1971) et de la bonne chère[80] ; sa haine du sport en général et du football en particulier[4], notamment du duel Saint-ÉtienneSochaux et le drame du Heysel.
  • Ses jeux de mots salaces : « Et puis nos coutumes divergent, et divergent [dix verges] c'est énorme »[81] ; ou bien : « Si c'est les meilleurs qui partent les premiers, que penser alors des éjaculateurs précoces ? »[82].

Postérité

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Appropriation de son type d'humour

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L’œuvre de Pierre Desproges est souvent reprise par des humoristes, des personnalités, ou tout un chacun. Toutefois, cet « argument d'autorité » peut être sujet à caution. En effet, comme le soulèvent Anne-Marie Paillet et Florence Mercier-Leca en 2014, l'humour desprogien se fait sous couvert d'un « pacte humoristique » ; le personnage détestable que représente Desproges sur scène, auteur de tirades fortement contestables, ne doit pas être confondu avec Pierre Desproges, l'homme[83].

C'est de ce constat que part Frantz Durupt lorsqu'il évoque en 2016 l'emploi à tort et à travers de la citation — approximative — selon laquelle « on peut rire de tout », fustigeant les récupérations tentées par Alain Soral ou les parallèles tentés avec Dieudonné[51].

Hommages et odonymes

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Pour le trentième anniversaire de sa mort, un vernissage a lieu en son hommage à Pujols le [84].

Publications

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De son vivant

Entre et , il publie des chroniques culinaires dans la revue Cuisine et Vins de France, dans sa rubrique dédiée « Encore des nouilles ». Parmi elles, « L'aquaphile », « L'amour à table » ou encore la recette de la « Cigale melba »[93],[94].

Posthumes

Filmographie

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Discographie

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Hors enregistrements audio de ses sketchs[95]

  • A bobo bébé (45 tours), Garima, 1977
  • Ça, ça fait mal à l'ouvrier (45 tours), RCA, 1986

Diffusion sur Internet

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En , les ayants droit de Pierre Desproges ont passé un accord avec le site Dailymotion pour mettre en ligne des vidéos de l'humoriste, diffusant gratuitement et légalement de nombreux sketches[96],[97],[98].

Notes et références

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  1. « DESPROGES Pierre Marcel », Fichier des personnes décédées, sur deces.matchid.io (consulté le ).
  2. Luangprabang-laos.com.
  3. Coutanson 2014, p. 19-21.
  4. a b c d e f g h i et j « Pierre Desproges - Je vais être sincère... », reprise d'une interview de Desproges de 1986 par Yves Riou et Philippe Pouchain, sur le site Les Inrocks.com, 29 novembre 1995.
  5. Schull 2016, p. 17.
  6. Desproges et Thomas 2017, p. 43.
  7. a et b « J'étais déjà misanthrope avant de vivre dans une chambrée, mais quand on vit vingt-huit mois au milieu de gens qui font des concours de pets... Ma haine du groupe s'est confirmée là. » Extrait de article des Inrocks de 1995 qui reprend une interview de 1986.
  8. Pierre Desproges extraits.
  9. Interview de Françoise Sagan par Pierre Desproges.
  10. « Je ne lis pas L'Aurore mais je l'achète chaque matin pour Desproges », Françoise Sagan (Desproges, portrait de Marie-Ange Guillaume (ISBN 9782757803653)).
  11. Desproges et Thomas 2017, p. 93.
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  55. « (Interviewer) — Dans ton spectacle, un de tes sketches commence par "On me dit que des Juifs se sont glissés dans la salle." C'est sur le fil du rasoir.
    (Desproges) — J'adore ça, c'est le meilleur moment pour moi, arriver en scène et dire cette phrase. Les antisémites n'osent pas rire dans ce sketch, et les Juifs se croient obligés de rire (rires) »
    - Extrait de l’interview de Desproges de 1986, reprise en 1995.
  56. « Toutes les formes de fascisme m'ennuient, me font peur surtout. Les gens qui croient, qui sont derrière un drapeau. » - Extrait de l’interview de Desproges de 1986, reprise en 1995.
  57. « J'ai l'impression que, quand les individus se multiplient, les intelligences se divisent. C'est pour ça que je ne participe pas à une manif, que je ne signe pas une pétition. Même si on manifestait pour la survie de mes enfants, je n'irais pas. Le dessinateur belge Philippe Geluck a une très belle phrase, que je devrais mettre sur mon mur : “Quand quelqu'un partage mon opinion, j'ai l'impression de ne plus avoir qu'une demi-opinion.” C'est ce que je ressens, à tort ou à raison. »
    - Extrait de l’interview de Desproges de 1986, reprise en 1995.
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  88. https://www.google.fr/maps/place/Mail+Pierre+Desproges,+93500+Pantin/@48.8949982,2.4046024,17z/data=!3m1!4b1!4m5!3m4!1s0x47e66dacd6031959:0x3cd4ef33a6dc36b3!8m2!3d48.8949947!4d2.4067964
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  97. https://www.lefigaro.fr/culture/2008/09/15/03004-20080915ARTFIG00714-pierre-desproges-fete-les-ans-de-sa-mort-sur-le-web-.php
  98. https://www.leprogres.fr/france-monde/2018/04/18/pierre-desproges-nous-a-quittes-il-y-a-30-ans

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Bibliographie

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  • Romane Coutanson, La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, enquête sur un court programme télévisuel (1982-1984), ENSSIB, Université Lyon II, , 175 p.
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  • Francis Schull, Desproges bande encore, Paris, Les Échappés, , 123 p. (ISBN 978-2-35766-115-8, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Manuela France, chap. 14 « L'humour noir de Desproges », dans Drôles d'agitateurs : 2 500 ans de provocation et d'humour, Prisma, , 168 p. (ISBN 978-2-8104-1805-3 et 978-2-8104-1806-0, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Philippe Durant, Pierre Desproges, Paris, First, coll. « First document », , 300 p. (ISBN 978-2-412-02006-7).
Article de presse

Ressource radiophonique

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Articles connexes

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Liens externes

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